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LES PRODUITS AGROCHIMIQUES menacent notre survie à l'échéance de quelques décennies. Saurons-nous résister à cette fuite en avant et revenir à des méthodes naturelles et respectueuses de l'environnement ?
Lors d'une conférence au Salon Bio-Attitude, le 19/10/2002 à Bordeaux, A. Schreiber d'Aquitaine Alternatives, M-Th Cérézuelle de la SEPANSO et le Professeur Narbonne de l'université de Bordeaux, spécialiste en toxicologie mondialement connu, ont tour à tour expliqué l'impact de ces produits sur l'environnement et, au bout de la chaîne, sur l'espèce humaine. Daniel Noël de Vini Vitis Bio a évoqué les moyens de sortir de l'impasse.
 
L'utilisation des pesticides :

A. Schreiber a parlé de l'emploi des pesticides. La France avec 100 000 tonnes par an est le deuxième utilisateur mondial de ces produits, après les Etats-Unis. Il ne faut pas oublier que la particule "CIDE" signifie "QUI TUE" (comme dans suicide ou infanticide). Les pesticides : herbicides, fongicides, insecticides, bactéricides, etc... sont donc des produits toxiques destinés à anéantir plus particulièrement telle ou telle catégorie d'être vivants. Ils sont utilisés massivement en agriculture, mais aussi par les services d'entretien des chemins de fer et des routes, ainsi que dans une moindre mesure par les particuliers dans leurs habitations et leurs jardins.

En agriculture, donc dans la viticulture pour notre région, les produits destinés à traiter les plants sont vaporisés sur les exploitations -en gouttes extrêmement fines afin de bien pénétrer dans la masse du feuillage- mais au maximum seulement 50 % de ces produits atteignent leur cible, l'autre moitié se répartissant entre l'air (environ 25 %) et le sol (environ 25 %), lorsqu'ils sont appliqués avec des machines circulant au sol. Depuis quelque temps de grandes propriétés ont aussi utilisé ponctuellement des hélicoptères pour faire ce travail. La distance entre l'engin et la cible étant alors nettement plus importante, la perte de produit dans l'atmosphère est nettement plus importante elle aussi. Si l'applicateur est alors mieux protégé, il n'en va pas de même pour le milieu ambiant ni pour les populations environnantes.

Ces produits font l'objet d'une publicité alléchante et rassurante qui les associe à la notion de santé en les qualifiant de "phytosanitaires" ou "phytopharmaceutiques". En raison de leur facilité d'emploi et de l'économie de main-d'oeuvre qu'ils permettent ils ont dans une très large mesure remplacé le travail de la terre depuis les années 70.

Les produits agrochimiques et l'environnement :

En France, la vigne utilise 21 % du marché des pesticides sur 4 % des surfaces agricoles utiles (S.A.U.) et les pesticides ne sont pas les seuls produits employés par les agriculteurs. Ils utilisent aussi d'autres produits agrochimiques (engrais, hormones de croissance) destinés à pallier les baisses de rendement.

M.-Th. Cérézuelle a expliqué ce qui résulte du passage de "l'Agriculture" à la "Non-culture": le tassement des sols par les tracteurs ajouté aux pesticides utilisés les rend pratiquement stériles. ll ne faut pas perdre de vue que la terre doit rester "vivante". Les produits chimiques ne peuvent remplacer les matières organiques dont elle a absolument besoin. Un sol non traité, une prairie par exemple, abrite dans sa couche superficielle sur environ 30 centimètres d'épaisseur de très nombreux organismes : bactéries, champignons, verres de terre, etc. (au total environ 25 tonnes par hectare). Ils l'ameublissent, le rendent perméable, décomposent les matières minérales nécessaires à la végétation... Bref, ils entretiennent le pouvoir de biodégradation et de régénération du sol et sont indispensables au bon équilibre de la nature.

Que deviennent tous ces produits agrochimiques dans l'environnement ? La part de produits tombés directement au sol y pénètre ou ruisselle avec les eaux de pluie. La part de produits diffusés dans l'air circule d'abord avec les vents (on en retrouve même dans l'air des villes) puis retombe au sol. On finit par les retrouver dans les cours d'eau, les lacs, les nappes phréatiques et les mers.

Les produits agrochimiques sont d'autant plus dangereux qu'ils sont très difficilement biodégradables (ils ne sont éliminés qu'au bout de plusieurs dizaines d'années). lls s'accumulent donc dans le sol et dans les eaux. C'est un grave problème à l'échelle mondiale. Il commence à être très difficile à résoudre surtout pour l'alimentation en eau potable, car les traitements sont très coûteux. Des périmètres de protection autour des captages d'eau destinée à la consommation humaine sont obligatoires mais malheureusement pas toujours respectés et même lorsqu'ils le sont la garantie contre les risques de pollution n'est pas totale puisque les eaux souterraines sont toujours en mouvement et ont de nombreuses intercommunications. Les nappes profondes commencent, elles aussi, à être atteintes parfois jusqu'à plusieurs centaines mètres de profondeur. Selon le SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux), en Aquitaine la moitié de la zone S.A.U. devrait passer en "zone vulnérable" car les valeurs limites en matière d'eau potable y sont déjà dépassées.

L’INRA a lancé la "viticulture raisonnée", avec plantation de quelques haies, enherbement des espaces entre les rangs de vigne et traitement seulement au pied des plants. Mais pour le professeur Narbonne c'est une plaisanterie qui ne résout pas le problème puisqu'on utilise des produits de plus en plus puissants.

Les effets sur les êtres vivants :

Ce spécialiste universitaire en biochimie et toxicologie déplore qu'il ne reste plus en France que quelques laboratoires travaillant sur les pesticides et que la tendance actuelle soit à l'élimination des recherches en toxicologie qu'on remplace par des recherches en nutrition. Il y a quelques années, le DEA national d’agrochimie (localisé à Toulouse) a été supprimé et plus récemment, les laboratoires toxicologie alimentaire de Bordeaux et d'Agen ont été fermés.

ll a expliqué que si l'on pouvait à présent trouver des pesticides dans l'eau, c'est parce les méthodes d'analyses actuelles permettent de les détecter 100 fois mieux qu'il y a quelques années. Mais ces analyses, extrêmement coûteuses, ne peuvent être faites pour tous les produits. On ne cherche que ce que l'on demande et que l’on a des chances de trouver.

Par ailleurs, les derniers produits mis sur le marché sont tellement puissants qu'il en faut extrêmement peu et que leurs traces sont souvent indétectables ce qui permet aux fabricants d'affirmer qu'ils ne sont pas rémanents.

Cependant, au fur et à mesure que les méthodes d'analyse s'affinent, on commence à en retrouver certains plusieurs années après.

Tous ces produits "...cides", donc toxiques, ne manquent pas d'avoir un impact pouvant être dévastateur sur les êtres vivants : effet total sur leurs cibles, mais aussi effets plus ou moins immédiats, sur des organismes non-cibles en particulier les abeilles, les vers de terre, les poissons et les êtres humains. Les premiers touchés sont ceux qui sont à leur contact direct et massif : les applicateurs des produits agricoles, les enfants aussi très souvent victimes des produits de traitement agricole ou de jardinage utilisés par leurs parents. (Lisez les recommandations d'emploi sur les emballages : comme sur les contrats d'assurances plus les lettres sont petites, plus c'est important). Mais il y a aussi toutes les atteintes indirectes par l'air ou l'eau et la chaîne alimentaire dans lesquels de tels produits se diffusent, bien qu'actuellement la très grande majorité des aliments ne dépasse pas les normes de sécurité.

On sait maintenant avec certitude que ces produits sont à l'origine :

  • de cancers,
  • d'atteintes au système nerveux (difficultés de concentration, d’apprentissage ou mnésiques, maladie de Parkinson)
  • d'atteintes au système respiratoire (asthmes, bronchiolites)
  • de perturbations du système thyroïdien (dysfonctionnement de la thyroïde)
  • de troubles de la reproduction (avortements, malformations avant ou après la naissance, retards de puberté, féminisation des individus mâles et même stérilités totales).

L'alerte a été donnée aux Etats-Unis il y une trentaine d'années lorsqu'on s'est aperçu que les caïmans des bayous, arrosés par hélicoptères pour détruire les moustiques, ne se reproduisaient plus en raison de la diminution de leur pénis. Plus tard on s'est aperçu que des populations de poissons entières se féminisaient dans la Tamise ou dans l’estuaire de la Seine. Le fait d'avoir pu reproduire le processus en laboratoire a permis de décoder ce mécanisme d’action et d’établir l’implication de quelques dizaines de pesticides.

Les nouvelles générations de produits sont beaucoup plus dangereuses que les précédentes car elles sont plus actives pour un volume bien moindre. Les produits systémiques sont extrêmement toxiques. Les méthodes d'analyses actuelles ne sont pas toujours bien adaptées pour en détecter les traces : il a fallu des années pour arriver à démontrer qu'un produit, comme le Gaucho (imidaclopride) qui vient de faire l'objet d'une suspension pour certaines applications et dont on enrobait les graines de maïs, se retrouvait dans le pollen que butinent les abeilles.

Aucun pays au monde n'est à l'abri de ces pratiques de culture. Les fabricants qui dépensent des sommes colossales pour mettre un produit sur le marché cherchent à le rentabiliser à tout prix pendant la durée d’exploitation des brevets (10 ans). D'autre part des produits qui ne devraient plus être utilisés sont encore fabriqués par certains pays comme le Mexique et se vendent très bien au marché noir. Il y a des filières très efficaces comme pour la drogue.

Les O.G.M. :

Les grandes firmes productrices prétendent avoir trouvé la solution miracle : les O.G.M. ; mais c'est une solution qui n’est pas exempte de dangers. Schématiquement, Il y en a deux sortes d'O.G.M. :

ceux qui fabriquent leurs propres toxiques, comme le maïs transgénique qui, il faut le signaler, n'est jamais passé devant la Commission des Toxiques. Il faut savoir qu'on va retrouver ensuite ces poisons dans le sol puis dans l'eau puisqu'on enfouit les tiges en terre après la récolte. Et on commence déjà à s'apercevoir que la pyrale du maïs visée par cet O.G.M. devient résistante tandis que d'autres espèces utiles sont détruites. Quel beau résultat !

ceux qui résistent à un produit, comme le colza transgénique. Celui-ci permet d'utiliser de plus grosses quantités d'un herbicide auquel il est résistant et qui est justement fabriqué par le groupe qui distribue les semences. Or sait maintenant que ce produit n'est pas du tout inoffensif. Dans ce cas les métabolites fabriqués par la plante (au moins aussi dangereux que les molécules du produit employé) vont se retrouver aussi plus tard dans l’eau et la chaîne alimentaire.

Des lendemains qui déchantent :

Les extrapolations linéaires des données actuelles sur la baisse des capacités de reproduction ont permis de calculer qu'au rythme actuel d'utilisation de tous ces produits, la stérilité guette l'espèce humaine à l'horizon 2060 ! Autant dire demain.

La parade :

Le seul moyen pour essayer de sortir de cette fuite en avant sans issue est de revenir à des méthodes de culture respectant la nature. Daniel Noël a rappelé que, contrairement aux produits chimiques, les produits naturels se dégradaient et se recyclaient rapidement dans la nature.

Il faut donc revivifier la terre en la travaillant et en laissant s'y développer tous les micro-organismes utiles, désherber par des moyens mécaniques ou thermiques et employer pour les traitements des produits d'origine naturelle comme, par exemple, des extraits d'ail soufré ou des extraits fermentés qui sont très efficaces. De plus il y a au moins une bonne centaine de molécules d'origine naturelle dont on connaît l'efficacité et qu'on aurait tout intérêt à étudier pour en tirer le meilleur parti.


Abeilles et pesticides

Les apiculteurs paient un lourd tribut. Il atttribuent la perte d'un tiers de leurs ruches au cours des cinq dernières années à l'emploi de pesticides d'enrobage des graines et aux pesticides employés contre les pucerons sur les arbres fruitiers. Attention ! car ces insectes sont indispensables à la pollinisation de certains végétaux. Quand les politiques auront-ils le courage d'interdire les substances dangereuses ?

L’expérience des apiculteurs, telle qu'elle est fort bien représentée dans l'article de R. Legrand (revue trimestirelle de la SEPANSO n° 116) montre bien que toutes les filières de l’agriculture sont interdépendantes. Et lorsque l’on développe industriellement une filière sans se soucier des autres, les dégâts retentissent en cascade.En agriculture biologique, c’est la qualité qui prime, et pas seulement le rendement à tout prix. Il y a cohérence entre toutes les branches, avec un minimum d’intrants soigneusement choisis. Il est même possible, avec des techniques très pointues, d’arriver à des rendements intéressants.
L’agriculture biologique suppose de petites structures qui se complètent. L'agriculture industrielle aboutit quant à elle à l’élimination des petites structures et à l’agression de l’environnement. C’est l’incohérence.

Propos de Y. AMBLARD, apiculteur, 20 Croûte, 33710 Bourg-sur-Gironde.

Commentaire :

Il est parfaitement incompréhensible pour un citoyen français moyen de voir que les "milieux autorisés" de l'agriculture (comme dirait COLUCHE ) sont complices au plus haut niveau de la dégradation et de la mise à mal de certaines catégories de producteurs agricoles qui les font vivre aussi.
Il est intolérable que certaines branches de l'agriculture tributaires par excellence du milieu naturel ou biologique par l'essence même de leurs produits (apiculteurs, fromagers, vignerons bio, jardiniers bio, etc...) soient prises en otage par des producteurs médiocres et plus soucieux de la santé de leur portefeuille que de celle de leurs propres enfants.

Maxime du jour :

Pensons "chaîne alimentaire" : Attention à ce que nous mettons aujourd'hui dans le sol, car nous le retrouverons demain dans notre assiette.


INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES

Sud-Ouest dans son édition du 13/11/02 informe que la Chambre d'Agriculture organise Récup'Phyto, collecte des produits de traitement agricole inutilisés car "Il est déconseillé de garder ces produits sur l'exploitation. Ils présentent un risque pour l'environnement et un danger en cas d'incendie".

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L'un des sujets développés dans l' émission SEPT à HUIT du dimanche 9 mars 2003 sur TF1 était consacré aux malformations d'enfants victimes de pesticides (en particulier enfants de vignerons de l'Hérault) dans le service de pédiatrie du Professeur SULTAN au CHU de Montpellier. Les cas se répètent à un tel rythme que ce Professeur a décidé de faire des réunions d'information auprès des viticulteurs.

D'autre part le Dr Isabelle BALDI, LSTE,Université de Bordeaux, s'est intéressée aux risques en matière de santé des populations exposées aux produits phytosanitaires dans la viticulture. Mme Baldi a bien voulu participer à une série de réunions d'informations "Viticulture et pesticides" organisées par Aquitaine Alternatives et d'autres associations en région Bordelaise en 2001.

Les noms de ces deux spécialistes sont cités, entre autres, par le Comité de la Prévention et de la Précaution, créé par l'arrêté ministériel du 30 juillet 1996, dans un document téléchargeable diffusé sur Internet par le Ministère de l'environnement à l'adresse suivante :

http://www.environnement.gouv.fr/telch/2002-t1/200202-recomm-cpp-phytosan.pdf

Dans ce document, on peut lire notamment, page 22 - § 5.1 Contexte :
" Le risque lié à l'exposition aux pesticides est devenu un sujet de préoccupation des Français. Par ailleurs la France figure en mauvaise position dans le palmarès établi par l'Union Européenne pour les valeurs connues de manière réglementaire, pour les tonnages utilisés, et pour les teneurs mesurées dans les aliments. Des problèmes de résidus dans les légumes, les fruits, les vins... sont parfois mis en évidence lors de refus à l'exportation des produits français, par nos voisins qui ont des moyens d'analyse ou une politique de contrôle analytique plus développés que les nôtres."


Pour en savoir plus :

hhttp://www.transnationale.org/sources/environnement/pollution
http://www.monde-diplomatique.fr/1999/04/LARBI_BOUGUERRA/11888.html#nh14

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Dernière révision : 21 octobre 2013.