"Le XXI-ème siècle
verra-t-il les guerres de leau ? Les prévisions
sont pessimistes à léchelle mondiale. Les Pays du
Moyen-Orient se volent "lor bleu" au prix
de barrages gigantesques. En Chine, le plus grand barrage
du monde, celui des Trois-Gorges sur le Yang-Tsé, va
noyer des centaines de kilomètres dune vallée
très fertile et déplacer des millions dhabitants,
malgré une contestation bien vaine
Les exemples
sont multiples de populations sacrifiées à
lintérêt dit général.
En
Aquitaine, "pays des eaux", la pénurie
existe-t-elle ? Les grands barrages
hydroélectriques de laprès-guerre ont
profondément transformé le réseau hydrographique des
Pyrénées et du Massif Central au nom du dieu Energie.
Puis ce furent les centrales nucléaires du Blayais et de
Golfech qui avalent des énormes quantités deau et
rejettent leurs produits radioactifs.
La
finalité des barrages a changé avec le contexte de la
politique agricole commune et le "tout maïs".
De leau, toujours plus deau, pour produire de
plus en plus et sécuriser lors des années sèches. Il
faut retenir leau "qui se perd en hiver",
donc la stocker. Des bassins de toutes tailles sont
programmés sur un Plan Décennal de Ressources en Eau
(PDRE) : 400 millions de m3, puis 600
au fur
et à mesure de lexplosion des surfaces irriguées
dans leuphorie de la PAC. Certains projets
grandioses ont été bloqués par les associations et les
riverains. Doù la prolifération de milliers et de
milliers de lacs dits collinaires, grâce à des
subventions, pour pallier la déficience des ruisseaux
pompés à mort (ou presque). Quel est donc le bilan des
volumes prélevés ? Il est très difficile à
évaluer car les redevances prélevées sont basées sur
un forfait à lhectare. Précisons que beaucoup de
compteurs deau ne sont pas encore en place malgré
le décret de 1997, sauf sur les axes réalimentés.
Sous le prétexte de "soutien
détiage", de nouvelles réserves sont
programmées qui arroseront aussi de nouveaux hectares.
Des études appuient les fameux Plans de Gestion des
Etiages (PGE) sur lAdour, la Garonne, le Dropt,
etc. Ce dernier, approuvé, entraînera de nouvelles
réserves sur tous les petits ruisseaux du bassin versant
et donc de nouvelles redevances qui tomberont
Limpact de cette multitude de barrages est grave.
La Commission du Milieu Naturel Aquatique (CMNA) constate
quà laval dun lac de barrage il y a
presque toujours déclassement du cours deau. Un
rapport récent du CSP (Conseil Supérieur de la Pêche)
conclut à une dégradation des rivières au plan
national. Seulement 15 % seraient en bon état piscicole,
même si lon peut noter une amélioration pour
certaines. Les causes sont multiples.
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Malgré des financements
considérables, la plupart des stations dépuration
ne sont pas aux normes européennes, même celles de
Toulouse et de Bordeaux (rejets dammonium,
phosphates, métaux lourds, toxiques, etc). Rivières et
lacs trop bien "nourris" sont atteints
deutrophisation et dasphyxie (mortalité des
poissons). Si, globalement, les industries ont réalisé
des progrès dans la dépollution, la pollution agricole,
chronique et insidieuse, fait sentir ses effets à plus
au moins long terme, même si quelques mesures sont
préconisées
La problématique des eaux
souterraines est encore plus grave, car moins visible. La
pollution par les nitrates na été reconnue que
dans les années 80, soit vingt ans après le début de
lusage intensif des engrais. Même si lon
stoppait tout apport, on en retrouverait encore dix ou
vingt après dans les nappes, dit le COPREN (Comité
dOrientation pour la Réduction de la Pollution des
Eaux par les Nitrates). En général, les nappes sont
moins contaminées que les eaux de surface, en
particulier par les pesticides. Mais "on ne trouve
que ce que lon cherche" et les analyses sont
fort coûteuses. De plus les produits de dégradation
peuvent être beaucoup plus dangereux que les molécules
initiales. Sur les 900 matières actives dans le cocktail
des pesticides, combien en recherche-t-on ? Surtout
latrazine, la simazine, le diuron, et parfois
quelques autres. Or, ces molécules sont très
dangereuses à terme pour la santé. Les informations
sont très lacunaires sur la qualité des eaux
souterraines. Notons quil ny a pas de site
Internet en Aquitaine pour une banque de données et
quil est très difficile de se procurer les
analyses deaux brutes pour leau potable.
Pourquoi cette rétention dinformation ?
Jusquà présent, en Aquitaine, on a privilégié
les ressources profondes pour leau potable. Mais
pendant des décennies, on a puisé sans vergogne dans ce
capital pour tous les usages. Bientôt, la pénurie
obligera-t-elle à boire leau des rivières, même
si elle nest pas "potabilisable" comme
celle de lIsle ?
Le SDAGE (
Schéma Directeur dAménagement et de Gestion des
Eaux) impose une hiérarchie des usages. On essaie
maintenant de rattraper les erreurs du passé dues au
laxisme des "responsables" qui ont couvert
cette politique de gaspillage pendant quarante ans. Les
coûts sont, et seront, de plus en plus élevés, tant
sur le plan social, écologique, que patrimonial, pour la
restauration des milieux et des ressources. Seule une
politique volontariste peut imposer des limites et
surtout des économies deau à tous les niveaux. Il
est urgent dagir, car leau est une ressource
limitée et fragile.
... On ne
peut plus parler de développement durable, mais
déquilibre durable pour la sauvegarde du capital
eau dont nous sommes tous responsables."
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