LA VALORISATION ENERGETIQUE DES DECHETS Bien qu'elle rencontre des résistances de plus en plus vives de la part de la population, et que d'autres moyens existent pour éliminer la plupart des déchets, l'incinération reste très tentante. Pour certains décideurs politiques et administratifs c'est la solution de facilité ; pour certains industriels c'est une source de profits durablement renouvelables, voire de subventions. UN VOCABULAIRE RASSURANT Les incinérateurs de déchets ménagers ayant acquis une réputation désastreuse, une manière de contourner le problème sous une apparence rassurante a vu le jour grâce à l'évolution de la réglementation, de la technique et du vocabulaire. Des systèmes permettant de récupérer de l'énergie ont été adjoints aux incinérateurs d'ordures ménagères et les valeurs limites d'émissions de leurs rejets ont été revues à la baisse. Il n'en fallait pas plus pour métamorphoser ces fâcheux incinérateurs en UNITES DE VALORISATION ENERGETIQUE (UVE) et clamer que désormais l'incinération était absolument sans danger, ce qui reste à démontrer... Pour régler les problèmes suscités par les traitements thermiques des déchets, il ne suffit pas de modifier le langage de communication et de légiférer dans les domaines les plus médiatisés, comme l'incinération des déchets ménagers, car il ne faut pas oublier que bien d'autres installations industrielles sont concernées.
Le Code de l'environnement prévoit de "valoriser les déchets par réemploi, recyclage ou toute autre action visant à obtenir à partir des déchets des matériaux réutilisables ou de l'énergie ", ce qui montre bien qu'on peut tirer parti des déchets (les déchets non valorisables sont des "déchets ultimes"). Cependant de nombreux industriels évitent d'utiliser le terme déchet et ont fait admettre des appellations plus valorisantes telles que sous-produits, co-produits, matières, biomasse, etc. Ils pratiquent alors la VALORISATION MATIERES et la COMBUSTION ou la CO-INCINERATION. Les
problèmes soulevés par l'élimination des déchets n'en
sont pas résolus pour autant et il est indispensable
d'organiser une surveillance fiable de toutes les
installations classées pour la protection de
l'environnement qui procèdent à des traitements
thermiques et à la combustion ou l'incinération de
déchets seuls ou en mélange afin d'obtenir qu'elles
respectent les valeurs-limites applicables en la
matière. LES INSTALLATIONS DE SECHAGE ET DE COMBUSTION S'il y a
eu des progrès dans le domaine de l'incinération des
ordures ménagères, il n'en est pas de même pour de
nombreuses installations industrielles qui traitent,
sèchent ou brûlent des matières organiques à l'aide
de générateurs thermiques de moindre puissance.
Malheureusement pour les populations voisines et leur
environnement, ces installations ne sont pas soumises à
une réglementation aussi rigoureuse que les UVE des
ordures ménagères, ce qui est très regrettable car
leurs activités sont parfois bien plus polluantes.
LA VALORISATION ENERGETIQUE DE LA BIOMASSE Dans le cadre de la recherche de sources d'énergie renouvelable pour répondre aux nécessités du développement durable et de la lutte contre l'effet de serre, après le lancement des BIOCARBURANTS (éthanol, huiles), on assiste au lancement de la VALORISATION ENERGETIQUE DE LA BIOMASSE encouragée par l'Etat et subventionnée par l'Europe. En fait il ne faut pas perdre de vue qu'il n'y a pas une biomasse unique mais des biomasses extrêmement diverses dont la plupart ne sont pas adaptées à ce type de valorisation. QU'EST-CE QUE LA BIOMASSE ? Biomasse
est un terme générique englobant toutes les
matières ou déchets organiques d'origine végétale ou
animale. Ils sont de nature et de consistance très
variées tels que : EN QUOI CONSISTE LA VALORISATION ENERGETIQUE DE LA BIOMASSE ? Il s'agit de récupérer sous forme de gaz l'énergie contenue dans la biomasse (brute, ou épuisée après extraction de jus ou d'huile destinés éventuellement à la préparation de biocarburants), puis de transformer ce gaz en électricité et de récupérer de la chaleur (vapeur, eau chaude) dans une installation industrielle du même type que les incinérateurs -ou unités de valorisation énergétique- d'ordures ménagères actuels, en y ajoutant une phase de séchage préalable si besoin est. Une telle installation pourra traiter jusqu'à 130 000 tonnes de biomasse annuellement. Schématiquement le processus comporte quatre phases principales :
Il faut préparer la biomasse afin d'obtenir le taux d'humidité (10 à 20 %) et la granulométrie nécessaires au bon fonctionnement du gazogène, qui pour produire le gaz doit être alimenté avec un combustible très régulier. Cela nécessite donc obligatoirement un séchage thermique préalable des déchets humides ou liquides et un conditionnement (broyage et préparation éventuelle de plaquettes ou de granulés) pour toutes les catégories de déchets. Ces opérations représentent une énorme dépense d'énergie.
Lorsque la
biomasse a été convenablement préparée, elle est
introduite dans un gazogène, sorte de fourneau plus ou
moins cylindrique dont le foyer est alimenté en air.
Dans ce fourneau, des réactions thermochimiques
s'enchaînent : pyrolyse, combustion, réduction.
Le gaz récupéré à la sortie du gazogène subit un traitement humide (dans un laveur) afin de séparer les goudrons et un filtrage à sec (grâce à un électrofiltre) pour séparer les poussières. Le gaz purifié obtenu ne peut être utilisé tel quel car son pouvoir calorifique est faible. Il est donc préférable de s'en servir pour produire de l'électricité. Naturellement cela représente aussi une importante consommation d'énergie.
Le gaz purifié est brûlé dans un équipement adapté afin d'obtenir de l'électricité. La vapeur dégagée lors de la combustion du gaz est récupérée (énergie thermique). La COGENERATION est donc l'ensemble de ces opérations. (voir schéma cogénération ) Sous peine d'être perdue, l'énergie thermique doit être utilisée immédiatement. C'est pourquoi l'installation des UVE doit se faire à côté d'une autre usine susceptible d'utiliser l'énergie thermique et électrique produite. EDF s'engage à racheter les éventuels kWh supplémentaires à un prix très élevé (environ 2,5 à 3 fois le prix d'achat habituel) et il faut envisager une nouvelle perte d'énergie au cours du transport sur le réseau EDF. Schéma de principe d'une installation de
valorisation énergétique QUELS SONT LES AVANTAGES DE LA VALORISATION ENERGETIQUE DE LA BIOMASSE ? Les avantages qu'on prête à ce procédé sont :
La
récupération d'énergie à partir de la biomasse n'est
valable que s'il s'agit de biomasse naturellement sèche,
en raison de la consommation d'énergie nécessaire au
séchage de la biomasse humide.
Comme le précédent, cet argument, n'est valable que pour la biomasse naturellement sèche, car c'est la seule qui peut permettre un gain d'énergie et donc d'économiser véritablement de l'énergie fossile. Il faut
cependant émettre une importante réserve :
l'amoindrissement considérable de la valeur
énergétique de la biomasse lors de sa transformation en
gaz puis en électricité représentant au total une
perte de plus de 50%. Il serait donc plus pertinent de ne
pas transformer ce type de biomasse et de réserver
l'usage des déchets de bois au chauffage domestique dans
des chaudières appropriées. QUELS SONT SES INCONVENIENTS ?
Dans
l'immédiat A
terme :
Rien ne ressemble plus à une Unité de
Valorisation Energétique de la biomasse qu'une Unité de
Valorisation Energétique des ordures ménagères,
communément appelée incinérateur. On peut donc légitimement supposer que leur principe de fonctionnement étant le même, les UVE de biomasse ne pollueront pas moins que celle traitant des ordures ménagères. Or, il se trouve que la réglementation actuelle s'appliquant aux incinérateurs de déchets ménagers ne s'applique pas aux déchets de bois, déchets végétaux , déchets agroalimentaires...composant la biomasse, ce qui est paradoxal puisqu'environ 50 % des déchets ménagers sont constitués de biomasse (partie biodégradable). Faute d'une réglementation plus adaptée,
il faudra se référer à l'arrêté du 2
février 1998, réglementant de manière générale les
rejets des installations classées pour la protection de
l'environnement, dont les prescriptions sont beaucup
moins restrictives.
S'il s'agit de biomasse humide, la totalité de l'énergie électrique produite par l'installation, et même au-delà, est nécessaire au séchage préalable. La rendement énergétique du système n'est donc pas très intéressant. L'utilisation de l'énergie thermique (vapeur) dépend exclusivement des besoins de l'usine voisine. Le surplus éventuel est définitivement perdu, la vapeur ne se stockant pas.
Ces UVE de la biomasse ont un prix de revient extrêmement élevé : aux alentours de 25 millions d'euros. Leur rentabilité énergétique étant très hypothétique, il en est de même de leur rentabilité financière. Leur financement, sera assuré indirectement par les contribuables et les consommateurs d'électricité, grâce aux subventions européennes et au rachat des KWh excédentaires par EDF. Ce mode de financement semble tout à fait inapproprié car il s'agit d'entreprises totalement privées qui ne fourniront aucun service public et ne serviront dans la pratique qu'à couvrir plus ou moins bien les besoins d'une usine voisine. Il n'y a aucune raison pour que les contribuables européens et les clients d'EDF supportent les frais d'une production d'énergie tout à fait aléatoire dont ils ne tireront aucun profit. Il est assez symptomatique d'ailleurs de remarquer l'absence des grands groupes du traitement des déchets qui n'auraient pas manqué de se mettre sur les rangs s'il y avait le moindre profit à réaliser dans de telles opérations.
Sur le plan social : Trop peu
d'emplois. Une telle usine entièrement
automatisée peut fonctionner 24 h/24 avec un personnel
extrêmement réduit : 3 à 4 personnes au total. La
valorisation du même volume de biomasse en agriculture
permettrait la création d'un plus grand nombre
d'emplois.
Tous les traitements thermiques provoquent la formation de composés dangereux et plus ou moins persistants qui ne se formeraient pas dans la nature, les dioxines en étant l'exemple le plus emblématique. C'est la raison pour laquelle les valeurs limites applicables aux rejets des incinérateurs d'ordures ménagères ont été sérieusement revues à la baisse. Il faut donc éviter au maximum ce type de traitement et les alternatives suivantes sont bien préférables :
La méthanisation est un procédé biologique, sans consommation d'énergie, bien adapté à la biomasse très humide ou liquide. Cette fermentation anaérobie provoque d'une part la formation de gaz et d'autre part une réduction importante du volume des boues. Le gaz obtenu peut aussi être transformé par la suite en électricité. Ce procédé évitant les phases de séchage et d'incinération est beaucoup plus intéressant que la gazéification.
Par ailleurs dans le cadre du développement durable, les amendements organiques sont un excellent moyen de lutter contre l'appauvrissement des sols qu'il ne faut pas négliger au profit de la recherche de sources d'énergie renouvelable. C'est également un moyen d'éviter un recours massif aux amendements chimiques et par conséquent d'économiser l'énergie fossile nécessaire à leur production. D'une façon générale, la biomasse humide étant très rapidement biodégradable (marcs et déchets agroalimentaires, partie fermentescible des déchets ménagers, boues, lisiers, etc.) est particulièrement bien adaptée à une valorisation agricole et contribue à une bonne régénération des terres. C'est la solution la plus appropriée. Elle est d'ailleurs préconisée dans la circulaire du 28 juin 2001 concernant la gestion des déchets organiques. Pour les cultures hors sol et le jardinage d'agrément, les composts fabriqués industriellement, qui bénéficient de normes NF garantissant leur qualité, sont intéressants. Quant au compostage individuel, il est appréciable pour le jardinage familial. Pour les cultures extensives en pleine terre le compostage n'est pas nécessaire et l'épandage direct est économiquement plus intéressant. Cependant il est indispensable afin d'obtenir des résultats satisfaisants pour tous de garantir la qualité des produits, d'organiser des plans d'épandage cohérents et de les respecter. Pour en savoir plus http://aida.ineris.fr/textes/arretes/text3342.htm http://www.ademe.fr/entreprises/Dechets/dechets/dechet.asp?ID=53&o=3 http://www.pensifs.com/techniques/energie-biomasse-procede-gazogene.php http://www.ademe.fr/Collectivites/bois-energie/pages/default.htm http://www.manicore.com/documentation/solaire.html |
M. Schenegg, le 29/09/05.